Une note de service de la direction générale ayant pour objet « l’expérimentation de la Semaine en quatre jours » a été adressée aux chefs de service et aux organisations syndicales de la DRFIP 75. Cette note préconise en préambule un dialogue social « constant et approfondi ». Notons qu’une fois de plus, la DRFIP s’assoit sur le dialogue social puisque cette note n’a pas été présentée aux représentants des personnels.
La CGT Finances Publiques 75 vous propose son analyse :
Aujourd’hui, la durée annuelle du travail se situe autour de 1 500 heures, alors qu’elle était d’environ
3 000 heures en 1840. Le temps de travail a été divisé par deux entre 1840 et aujourd’hui. Il y a donc bien un mouvement séculaire de réduction du temps de travail.
L’histoire du temps de travail est marquée par une série d’avancées et de retours en arrière. La loi de 1814 qui interdit le travail le dimanche est par exemple abolie en 1880, puis restaurée en 1906. Celle de 1936 sur les 40 heures sera suspendue par les décrets Reynaud de 1938, puis annulée par Vichy en 1941, pour être finalement restaurée en 1946. Plus récemment, les lois Aubry de 1998-2000 sur les 35 heures (36 heures dans la Fonction publique, toujours « privilégiée » !) ont été atténuées par la loi Fillon de janvier 2003. Aujourd’hui, on observe une tendance à l’augmentation de la durée du travail, non pas du fait des heures hebdomadaires, mais via le recul de l’âge du départ à la retraite : trois années de travail en plus (172 trimestres seront nécessaires pour une retraite à taux plein). C’est 4 836 heures de travail en plus, ce qui sur 43 annuités fait en moyenne 1h52 de plus par semaine par rapport à la retraite à taux plein à 60 ans avec 40 annuités de cotisation).
Le projet de semaine en quatre jours que veut déployer le ministre de la Fonction publique, sans toucher à la durée hebdomadaire ou annuelle du travail aboutira à des journées de travail de 9h38 pour le module horaire à 38 h 30, 9 h 15 pour le module à 37 h et 9 h 03 pour le module à 36 h 12.
La revendication de la CGT du début du 20ᵉ siècle pour la journée de 8 heures se trouve donc très largement piétinée. C’est, de facto, un retour au 19e siècle que nous propose le gouvernement Macron/Attal/Guérini !
Il y a semaine de 4 jours et semaine de 4 jours. La « bonne », c’est celle qui est prétexte à une réflexion sur le travail et une amélioration de son organisation, ce que réclame à cor et à cri la CGT dans toutes les instances. La « mauvaise », elle, consiste à faire en 4 jours exactement ce qu’on faisait avant en 5 : même nombre d’heures, même présentéisme, mêmes tâches inutiles… sur des journées de travail plus longues et éreintantes. Avec des journées pareilles, on n’a pas trop d’un jour de repos supplémentaire (certainement non choisi) pour s’en remettre ! Faire en quatre jours les heures qu’on faisait en cinq, c’est désormais possible, en Belgique par exemple. De nombreuses personnes s’en réjouissent quand même, parce que c’est bien agréable d’avoir trois jours « off ». Quand on est jeune, urbain, en bonne santé et sans enfant, c’est toujours bon à prendre. Mais cela n’a rien d’une révolution miraculeuse ! D’abord, ce n’est pas tout à fait un cadeau si le nombre d’heures, la charge de travail et la productivité sont inchangés. Ensuite, cela ne marche pas pour tout le monde : les parents solos, les aidants ou encore les personnes à la santé fragile ne peuvent pas assumer des journées de travail plus longues.
Si le travail est insupportable, même quatre jours, c’est toujours quatre jours de trop ! Ne gâchons pas cette occasion d’innover et de travailler mieux !
Confrontée à une concurrence du privé sur les salaires − les salaires du public ont augmenté de 1,8 % dans le public en 2022, contre +4 % en moyenne dans le privé − et à une raréfaction des profils, la Fonction publique a de plus en plus de mal à recruter. Tous les corps de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière sont touchés. Rien qu’en 2023, on estime à 58 000, le nombre de postes non pourvus dans l’Hexagone. Et la situation n’est pas près de s’arranger puisque les candidats aux concours de la Fonction publique d’État ont chuté de 650 000 en 1997, à 228 000 en 2018. Alors, comme rempart à ce désamour, le ministre Guérini tente de dépoussiérer l’image trop rigide de son organisation et du manque d’autonomie laissée à ses agents, en brandissant la carte de la semaine de quatre jours.
M. Guérini, ce n’est pas en envoyant les DRFiP recruter dans les facs, en faisant de la publicité sur les bus et les emballages de baguette de pain que vous parviendrez à recruter dans la Fonction publique. Commencez donc par augmenter les rémunérations ! Assurez-leur des conditions de travail et des droits et garanties dignes de ce nom, et sans nul doute, le recrutement sera plus aisé et les usagers satisfaits du service rendu !
Donc pas de réduction du temps de travail, pas de dérogation à la durée maximale quotidienne du travail fixée par le Code du travail (encore heureux !) et pas d’augmentation des effectifs. Mais si vous avez un peu de temps libre, on pourra étendre les horaires d’ouverture au public.
Le ministre de la Fonction publique a tiré les enseignements de l’expérimentation à l’URSSAF de Picardie, qui n’a vu que trois agent·e·s sur un total de 200 être volontaires pour expérimenter la semaine « en quatre jours ». Le volontariat reste de rigueur mais la note reste très floue sur la méthodologie qu’elle est censée présenter :
L’administration fait semblant de prendre soin des collègues au forfait en mentionnant la « préservation de rythmes soutenables pour les agents ». Il est évident que cela ne sera pas possible.
Le recours au télétravail est plafonné à deux jours par semaine et « réduit à une journée télétravaillée par semaine si le fonctionnement du service l’impose ». C’est donc une remise en cause claire de l’accord sur le télétravail signé au niveau de la fonction publique.
- que le jour non travaillé par les agents a toutes les probabilités d’être flottant ou non choisi, dans la mesure où la volonté affirmée est une « ouverture accrue au public » (nous sommes curieux de savoir ce que sous-entend ce concept, tant c’est l’inverse que fait notre administration depuis des années…)
- il n’y a bien entendu aucun paragraphe sur la santé au travail des personnels dans leur ensemble (exception faite de la petite phrase sur les agents au forfait), alors que depuis 1936, c’est la journée de 8 heures qui prévaut
- l’expérimentation portera-t-elle sur l’ensemble du service volontaire ou juste sur les collègues volontaires dans les services qui vont expérimenter
- aucune précision non plus sur le maintien des modules horaires existants et les ARTT qui y sont liées.
En se calant sur des horaires d'arrivée type, cela donnerait des journées configurées de la sorte:
En tout état de cause, la CGT Finances publique 75 ne veut pas de ce cadeau empoisonné qui est un recul sans nom des conditions de travail dans la Fonction publique.
Si l’on veut être attractifs, commençons par augmenter les rémunérations et pas la durée de la journée de travail. Si l’on veut ouvrir davantage les accueils, recrutons (il y a des millions de chômeurs et précaires) !
Il faut que le gouvernement, par la voix de son ministre Guérini, cesse de se vautrer dans le poujadisme de caniveau avec la soi-disant « rémunération au mérite » (sans moyens financiers supplémentaires) et le licenciement possible des fonctionnaires, et se préoccupe davantage de la qualité des services publics dont il a la charge, de ceux qui les font tourner et des usagers qui les sollicitent au quotidien !
Pour la CGT, la semaine de quatre jours,
c’est 32 heures !