Madame la Directrice,
Il est des décisions qui, par leur apparente banalité administrative, révèlent pourtant des vérités bien plus profondes sur les rapports qu’une institution entretient avec ses agent.es et ses devoirs. L’annulation tardive de la Formation Spécialisée Santé, Sécurité et Conditions de Travail (FS-SSCT), communiquée à 19h28 la veille de sa tenue, sans proposer de nouvelle date, n’est pas qu’un simple dysfonctionnement. Elle est le symptôme d’un mépris plus large pour le dialogue social et pour les conditions de travail des agents.
Une telle décision ne peut être justifiée par des désaccords sur le report d’un seul point de l’ordre du jour ou par des contraintes techniques. La santé, la sécurité et la dignité des agents ne se marchandent pas ; elles ne se reportent pas selon les aléas des priorités de l’administration. Loin de constituer un incident isolé, cet épisode s’inscrit dans une stratégie globale où les impératifs de réorganisation et de productivité sont poursuivis avec une obstination aveugle, ignorant les hommes et les femmes qui portent le service public à bout de bras.
Un mépris des engagements et des droits
Lorsque la Direction Générale promettait, dans le cadre du Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM), une « année blanche » pour 2025, sans suppressions d’emplois, elle reconnaissait implicitement une vérité incontournable : les effectifs sont déjà insuffisants pour répondre aux missions du service public. En validant un COM intégrant une « année blanche » pour 2025, la Direction Générale s’est engagée sur un contrat qu’elle ne respecte pas aujourd’hui, rendant ainsi sa légitimité caduque face aux suppressions d’emplois imposées par la loi de finances. Non seulement les suppressions d’emplois se poursuivent, mais, à Paris, vous choisissez d’accélérer les restructurations, d’intensifier les réformes et de pousser toujours plus loin les projets délétères, tels que les blocs fonctionnels et le Nouveau Réseau de Proximité.
Ces réformes ne sont pas neutres : elles incarnent une vision taylorienne du travail, qui réduit les agent.es à de simples exécutants, efface leur autonomie, éteint leur fierté professionnelle et instaure une caporalisation étouffante. Sous prétexte de modernité, elles sapent l’essence même du service public, qui repose sur la coopération, le respect mutuel et l’intelligence collective.
Les conséquences pour les agent.es
Mais derrière ces choix administratifs se cachent des réalités humaines : des équipes exsangues, des agent.es usés par la charge de travail, des personnels en souffrance qui n’attendent pas des injonctions technocratiques, mais des réponses concrètes à leurs besoins.
L’annulation de la FS-SSCT du 21 novembre 2024 (à 19h28 la veille de sa tenue), censée traiter des questions aussi essentielles que le vote du budget ou les risques psychosociaux, prolonge cette logique d’indifférence. En reportant des décisions vitales pour la santé et la sécurité des agents, elle aggrave encore leur quotidien et leur sentiment d’abandon.
Un appel à la responsabilité
Madame la Directrice, il n’est pas trop tard pour retrouver le sens de vos responsabilités. L’administration n’est pas un empire qui commande ; elle est un service qui doit rendre des comptes à ses agent.es et à la collectivité. Si vous persistez à accélérer les réformes malgré l’hémorragie des effectifs, si vous refusez d’écouter les voix qui s’élèvent, vous casserez durablement la confiance qui doit unir tous les acteurs du service public.
Nous exigeons donc, avec la gravité que la situation impose :
- La tenue immédiate d’une FS-SSCT de rattrapage, incluant tous les points reportés et donnant enfin la priorité aux questions de santé et de sécurité.
- Le gel et l’abandon des projets destructeurs, tels que les blocs fonctionnels et le NRP, afin de préserver les agents et d’évaluer sereinement leurs impacts réels.
- Une prise en compte sérieuse des besoins des agent.es, dans un esprit de justice, de dignité et de respect des engagements pris par la Direction Générale.
- Un dernier mot : le service public en partage
Le service public n’est pas qu’une organisation ; il est un idéal partagé. Il repose sur la conviction que les agent.es, dans leur diversité, portent une mission noble : celle de répondre aux besoins des citoyens, de faire vivre l’égalité et de garantir la solidarité.
À chaque réforme imposée, à chaque dialogue social méprisé, c’est cet idéal que vous fragilisez. Mais nous ne vous laisserons pas trahir ce qui est plus grand que nous tous : l’idée même du service public.
Madame la Directrice, il est encore temps de renoncer à cette logique destructrice et de faire le choix du respect et de la concertation. Les agent.es de Paris, épuisé.es mais toujours engagé.es, méritent mieux que des réorganisations à la hâte et des promesses brisées. Ils méritent qu’on leur rende enfin justice.