source : L’Humanité par Hayet Kechit
publié le 25/11/2024
La Direction régionale des Finances publiques de Paris va annoncer ce mardi un nouveau plan prévoyant la suppression de plusieurs sites dédiés à l’accueil des usagers, dont celui du 19e arrondissement parisien. La CGT, qui appelle à faire grève ce jour, dénonce un nouveau pas dans le démantèlement des services publics.
D’ici à 2028, treize sites dédiés à l’accueil des usagers sont amenés à fermer leurs portes. Le centre des impôts de la place de l’Argonne, dans le 19e arrondissement de Paris, n’a pas encore ouvert ses portes ce lundi matin, mais une cinquantaine de personnes font déjà le pied de grue en file indienne sous la pluie, le long des grilles closes du bâtiment.
Les plages horaires d’accueil du public ayant été restreintes depuis septembre à trois matinées par semaine, il s’agit de ne pas rater le coche. « Nous sommes là depuis 7 h 15 et il y avait déjà trois personnes avant nous », témoigne, entre fatalisme et colère, Lila 1, venue accompagner sa mère de 70 ans, pour tenter de dénouer un contentieux qui dure depuis des mois et mine la septuagénaire.
Pour Nadia Djiab, co-secrétaire de la section CGT Finances publiques à Paris, l’affluence de ce jour « n’est rien comparée aux pics observés pendant les campagnes d’impôts sur le revenu ou à la sortie des avis d’imposition ». Un constat qui, à ses yeux, rend d’autant plus incohérente la perspective de voir ce site, niché dans un quartier populaire très dense, fermer à l’horizon 2028. C’est ce que s’apprête pourtant à annoncer, ce mardi 26 novembre, la direction régionale des Finances publiques de Paris aux représentants du personnel, réunis lors d’un comité social d’administration. Une décision qui ne passe pas pour la CGT et Solidaires, qui ont débrayé le jour même.
Plus que 12 sites à terme, contre 25 sites en 2021
Leur direction appelle ça le « nouveau réseau de proximité » (NRP). Étrange dénomination pour un plan qui se traduira par la fermeture de centres dédiés à l’accueil des particuliers. En plus de celui de la place de l’Argonne, le centre des impôts du 16e arrondissement ferait aussi les frais de ce projet dès 2026.
Depuis le lancement du premier plan NRP, en 2021, la cartographie parisienne des disparitions de guichets a de quoi donner le vertige, avec la mort programmée des centres du 11e (en 2025), du 12e et du 13e arrondissement (en 2027), tandis que ceux du 3e et 4e ont d’ores et déjà fermé leurs portes pour être regroupés dans les locaux du 2e arrondissement, où serait voué à les rejoindre, à partir de 2028, celui de la place de l’Argonne. « En 2021, Paris comptait encore 25 sites, à terme, il n’en restera plus que douze, où devront s’entasser les 3 900 agents des Finances publiques », dénonce Nadia Djiab.
Aux critiques des syndicats, la direction opposerait la nécessité de privilégier ce qu’elle appelle « les accueils multicanaux », à savoir les échanges par mails et par téléphone. Mais, estime la syndicaliste, « pour une part de la population, cela reste très compliqué de s’approprier les nouvelles technologies, le langage administratif, ainsi que la législation fiscale sans cesse mouvante ». Pas sûr non plus, selon elle,
que cela réponde aux critères d’efficacité vantés par la direction : « Quand on reçoit un usager au guichet, on essaie de régler son problème en une fois, alors que par mail ou par téléphone, il y a beaucoup d’allers et retours. Une demande qui pourrait être traitée dans la semaine prendra beaucoup plus de temps. »
Sophie Warrin, élue CGT, qui travaille au guichet, fait d’ores et déjà un constat d’échec de ces consignes visant à décourager les usagers de venir dans les accueils, en rendant l’expérience la plus pénible possible. « Quand ils viennent, il y a d’abord un premier barrage pour évaluer si leur demande est recevable et, ensuite, ça ne doit pas durer plus de cinq minutes. Tout cela ne fait que retarder la
résolution de leurs problèmes. »
Une désorganisation orchestrée
« On nous dit qu’il faut désintoxiquer les usagers de ce besoin de venir et que, de toute façon, l’Intelligence artificielle répondra à tout. Or, on se rend compte que ça ne répond à rien du tout », abonde Nadia Djiab, qui donne pour exemple la nouvelle application dédiée aux taxes d’habitation, qui aurait « généré des avis pour des enfants de 3 mois ! »
Selon elle, agents comme usagers seraient confrontés à « une désorganisation orchestrée », sur fond de suppressions de postes continue depuis dix ans. Avec, pour visée, de « mieux faire passer la pilule de la fermeture ». Pas étonnant dès lors de voir grandir de la part du public colère et agressivité dont les agents font souvent les frais.
« Ces conditions de travail et l’insécurité générée par ces redéploiements successifs induisent un mal-être et des risques psychosociaux croissants », estime Fabrice Egalis représentant CGT aux Finances publiques et à la formation spécialisée santé sécurité au travail. Qu’espérer de cette grève de mardi ? « On se fait peu d’illusion, elle ne suffira pas à les faire reculer », reconnaît le syndicaliste, dont le regard est déjà tourné vers la mobilisation générale des fonctionnaires prévue le 5 décembre, qu’il espère assez puissante pour faire bouger les lignes.
- le prénom a été modifié ↩︎