Les choix gouvernementaux successifs face à la crise produisent chômage de masse, précarité, creusement des inégalités, réformes régressives portant sur les retraites, pensions et protection sociale, délocalisations, licenciements, générations entières sacrifiées… Ils génèrent une dégradation profonde des finances publiques, une instrumentalisation des déficits pour remettre en cause les acquis sociaux, sur fond d’austérité généralisée dans la totalité des pays européens comme au niveau mondial.
Après avoir organisé une baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée et les conditions d’un endettement privé conséquent, les choix patronaux et gouvernementaux ont organisé la substitution de cet endettement par la dette publique. La Modernisation de l’Action Publique (qui prolonge la Révision Générale des Politiques Publiques), comme l’acte trois de la décentralisation s’inscrivent pleinement dans ces orientations.
Au sein de notre Administration, les suppressions d’emplois (30 000 depuis 2002), les restructurations incessantes dont la fusion DGI-DGCP, ne suffisent plus pour satisfaire les commandes politiques d’austérité et de financement de la crise. Dans ce cadre, la démarche stratégique constitue la méthode pour remettre en cause notre doctrine, notre réseau, nos services, nos missions, nos emplois et nos garanties statutaires.
Celle-ci s’appuie sur un certain nombre d’axes majeurs : Vers une administration prestataire de services des professionnels, quitte à mettre en porte à faux les agents dans leurs missions de saisie, de contrôle et de recouvrement : après la mise en place du rescrit, l’administration introduit le tiers de confiance, version administrative à peine déguisée du rôle de conseiller fiscal, oblitérant tout contrôle fiscal ultérieur. La mise en place de postes informatiques dédiés à l’établissement de l’e-déclaration des professionnels à l’accueil des SIE, avec un agent « tuteur » garant en direct du bon établissement de la déclaration procède de la même dérive.
Certaines missions sont abandonnées, par exemple dans le soutien aux collectivités locales avec le projet de transformation de France Domaine en établissement Public, ou battues en brèche avec la priorité absolue des remboursements de crédits d’impôts aux entreprises au détriment de leurs contrôles (avec abandon pur et simple du contrôle du crédit compétitivité-emploi). Le glissement de compétences des directions locales vers la DIRCOFI en matière de contrôle, son ciblage au regard de la rentabilité, le fait de privilégier les transactions et de développer le travail à distance, ne font que répondre aux manques de moyens au détriment de l’égalité de traitement. La généralisation des contrôles hiérarchisés de la dépense illustre aussi cette orientation affirmée dans la démarche stratégique. La recherche de simplifications permanentes participe de ces reculs et ne peut constituer une réponse acceptable face au manque de moyens et d’effectifs. Pire, le DG a envoyé une note aux comptables leur demandant de faire pression sur les communes pour qu’elles optent pour le privé en cas de réinternalisation envisagée de la gestion de certains services publics locaux (exemple : gestion de l’eau). De façon similaire, les communes pourront confier le contrôle et le recouvrement des amendes (dont elles pourront fixer le montant) au privé.
La démarche stratégique, c’est aussi beaucoup de «bouts de ficelles» qui ne trompent personne (pôles téléphoniques, rallongement des délais de changement des mots de passe pour certaines applications, etc…). Mais certaines de ces mesures-simplifications peuvent être lourdes de conséquences comme l’abandon de l’envoi en recommandé des notifications 2120 et 3926, l’incitation à remettre en mains propres la notification 3924 suite à contrôle fiscal, au risque de faire tomber des procédures ou l’abandon de la mise en demeure dans le recouvrement des produits locaux.
Lorsque l’on veut tuer son chien, on l’accuse de la rage : par manque de moyens et une déstabilisation des services suite à la fusion et aux restructurations permanentes, le recouvrement des impôts, tant pour les particuliers que pour les entreprises, accumule les retards malgré l’implication sans faille des agents (retard de 50 millions l’an passé par exemple pour les particuliers à la DRFIP). Ce recul apparaît comme un surcoût d’une fusion que nous dénonçons sur le fonds, et d’autre part, en pleine crise des finances publiques, comme un non sens absolu porteur de démotivation pour les personnels et d’atteinte à la légitimité de la DGFIP de recouvrer l’impôt de manière efficace.
La dématérialisation est généralisée, de l’obligation déclarative jusqu’aux paiements, mais aussi pour la chaîne de la dépense. La CGT ne s’oppose pas à l’utilisation des nouvelles technologies mais à leur instrumentalisation comme réponse et justification trompeuses de suppressions d’emplois. De plus la dématérialisation crée de nouvelles tâches de gestion, génère de nombreuses anomalies et accélère la pression du temps de réponse. C’est à nouveau les agents qui doivent faire face alors qu’ils n’en peuvent déjà plus ! Elle facilite les politiques d’externalisations-privatisations, notamment de la gestion des paiements et donc le désengagement de l’Etat dans la maîtrise de ses rentrées fiscales.
Dans le prolongement de la fusion DGI-DGCP, la politique de remise en cause de notre réseau est poursuivie par la suppression des trésoreries mixtes, l’accélération de la mise en place de pôles en tout genre, la poursuite de fusions de services (SIE, SIP-CDIF, SPF/enregistrement, etc…), de nouvelles spécialisations en pôles nationaux, régionaux ou départementaux, tout en s’appuyant sur la dématérialisation (pour les paiements par exemple). La mise en place de l’Opérateur National de la Paie, non seulement éloignera les agents des services de la paie mais sera aussi l’occasion pour la DG de remettre en cause un certain nombre d’acquis locaux sous couvert d’harmonisation.
La lettre de mission du 27 février 2013 de la ministre Mme Lebranchu, les récents rapports (dont le rapport Pêcheur) développent au niveau de l’ensemble de la Fonction Publique la même politique que celle de la démarche stratégique à la DGFIP. Une telle entreprise globale de sape de l’action publique, avec de lourdes conséquences dans le fonctionnement des services et des directions, ne peut se développer pleinement sans s’attaquer aux garanties statutaires dont bénéficient les agents. Les idées en ce sens ne manquent pas, comme celle de remettre en cause les catégories A, B, C. La nouvelle prime au mérite (IFEEP) s’appliquera dans un premier temps en centrale, puis prévue pour 2017 dans les services, il s’agit de « faire marcher droit » tout en englobant l’ensemble de notre régime indemnitaire « remis à plat » (avec par exemple la remise en cause des statuts particuliers et des ZUS et un complément indemnitaire variable de 0 à 100%).
Il s’agirait aussi de mettre en place des maintiens forcés sur poste, de développer la mobilité contrainte, jusqu’au niveau interministériel, tout en battant en brèche la règle de l’ancienneté, afin de positionner les agents au grès des réformes, des plans de suppressions d’emplois et des priorités «politiques». La pression de la DRFIP pour des affectations généralisées «tout Paris» contre des affectations à l’arrondissement en est une illustration.
Le développement des statuts interministériels, des services de gestion des personnels au niveau interministériel ou inter directionnel répondent à la volonté de «mutualiser» les déficits de moyens et d’emplois entre ministères non prioritaires, mission par mission, et constituent une attaque frontale contre nos statuts particuliers. Nombres de restructurations, de «tests», d’expérimentations, sont engagés sans examen en comités techniques nationaux (dits de «réseau») ou directionnels (dits «locaux»), afin de contourner en partie ou totalement les organisations syndicales.
Les directions locales font mine de consulter les agents par des réunions ou des visites de sites artificielles dont le but est de demander aux agents quelles mesures de simplifications seraient applicables afin de scier la branche sur laquelle ils sont assis ! A l’inverse, aucun état des lieux des services en terme d’emplois nécessaires pour la réalisation de l’ensemble des missions n’est programmé alors que de plus en plus d’agents se retrouvent en grande difficulté, que le stress augmente, que les refus de congés pour maintenir la cadence se multiplient !
La CGT Finances Publiques, avec les agents, ne compte pas cautionner ce marché de dupes ! Dans nombre de services, les actions des agents se succèdent pour dénoncer cette situation. Dans le prolongement des pétitions, audiences collectives, rassemblements, neutralisations de l’accueil…, et en s’appuyant sur la tenue des Etats Généraux de la DGFIP BOURSE DU TRAVAIL, construisons les conditions d’une mobilisation unitaire massive de l’ensemble de la DGFIP, pour des emplois, des moyens, pour nos missions et nos garanties statutaires ! |
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