C’est un fait ! Le langage structure la pensée comme le démontre magistralement George Orwell dans «1984» dans son étude de la novlangue. Entendre à l’envi depuis sa plus tendre enfance à l’école que « le masculin l’emporte sur le féminin » ne peut que réduire l’estime que les petites filles ont elles-mêmes et donc des femmes qu’elles deviendront !
Le genre masculin n’est pas un genre neutre, contrairement à ce qui est affirmé puisque le neutre n’existe pas dans la langue française.
La langue française est une langue vivante, en perpétuelle évolution.
A partir du 17ème siècle, les académiciens et grammairiens (il n’y avait aucune femme à l’Académie à cette époque) ont décidé de supprimer des noms de métiers féminisés (autrice, médecine, etc) mais aussi de supprimer la règle de proximité (les hommes et les femmes sont belles, les femmes et les hommes sont beaux) qui était utilisée par les auteur.rices de l’époque et donc d’imposer la règle du masculin qui l’emporte au pluriel. La teneur des arguments apportés pour réformer la langue était la suivante :
– « Lorsque les 2 genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte » (Bouhours, grammairien, 1675) ;
– « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle » (Nicolas de Beauzée, grammairien, 1767).
On est donc très loin d’un genre réputé neutre ! Il s’agissait bien à l’époque de nier les femmes, qui seraient inférieures aux hommes, dans le langage, que ce soit à l’écrit ou à l’oral.
L’écriture inclusive n’est qu’une nouvelle évolution de la langue, qui vise à rétablir une égalité entre les femmes et les hommes. Dans un pays où l’égalité entre les femmes et les hommes est inscrite dans la constitution, la langue ne peut rester un domaine où serait encore admise et revendiquée l’expression de la prétendue supériorité d’un sexe sur l’autre. La communication doit être un vecteur de changement de la société et non pas une reproduction de ses blocages.
L’écriture inclusive n’est pas en soi une révolution ou pire « un péril mortel pour la langue » comme l’a dit l’Académie!
Il s’agit simplement de faire apparaître les femmes dans le langage par des actes d’une simplicité absolue.
Il n’y a aucune obligation ni aucun dogme sur ce sujet. Chacun.e peut adapter son écriture ou son langage afin de mieux faire apparaître les femmes.
Par exemple, on peut systématiquement féminiser tous les noms de métiers : les inspectrices, agentes ou contrôleuses des Finances Publiques sont bien des personnes qui exécutent des missions de service public et peuvent être différenciées de leurs collègues hommes. Ainsi, à l’oral, on pourra parler d’inspecteurs et
inspectrices, de contrôleurs et contrôleuses et d’agentes et d’agents . Et on pourra l’écrire en contractant la terminaison féminine du nom : inspecteur.trice, contrôleur.euse, agent.e. Cette contraction qui permet un gain de place dans les articles de journaux, tracts et autres notes, ne devrait pas plus faire débat qu’un M. et Mme ! De plus, il y a 50 % d’inspectrices, 60 % de contrôleuses et 70 % d’agentes ! En fait, parler au masculin uniquement de l’ensemble des personnes qui travaillent à la DGFiP est une aberration sociologique puisque notre administration est composée de 60 % de femmes !
Certes, dans un premier temps, c’est une gymnastique à laquelle il faut s’habituer mais tout comme les nombreux anglicismes, ou mots d’autres origines, introduits dans la langue française qui sont aujourd’hui d’usage courant, rapidement nous nous habituerons à cette forme d’écriture.
User de termes épicènes est aussi une solution : on peut parler des fonctionnaires des finances publiques qui évite d’utiliser l’ensemble des noms de métiers de notre administration, ou de droits humains plutôt que des droits de l’Homme.
Il faut aussi veiller à énumérer dans l’ordre alphabétique, on parlera donc d’égalité Femmes/Hommes et du directeur ou de la directrice, de l’inspecteur et l’inspectrice.
En aucun cas, un genre ne doit prendre le pas sur l’autre, il faut les mettre sur un pied d’égalité.
La résistance à ce changement est d’autant plus surprenante que lorsqu’il s’agit d’introduire de nouveaux mots d’origine étrangère ou d’acronymes afférents à de nouvelles technologies (smartphone, SMS, texto..) cela passe comme une lettre à la poste !
C’est donc bien que dès qu’il s’agit de la place des femmes, que ce soit dans la société ou l’écriture, rien ne va de soi.
Tous les arguments pour contrer cette évolution sont évoqués et notamment le fait que ce serait une question accessoire ! Vraiment ? Alors que le langage structure la pensée, il n’y aurait pas urgence à rétablir la place des femmes dans l’écriture pour qu’elles accèdent enfin à l’égalité totale dans la société et la pensée collective ?
L’argument de l’esthétique est aussi avancé : les termes de pompière, écrivaine, contrôleuse etc ne seraient pas beaux ! Les termes d’internet ou smartphone seraient donc beaux ? S’est-on seulement posé la question pour ces anglicismes ?
Ou aussi : les enfants ont déjà du mal à apprendre la grammaire et l’orthographe, on va les perdre ! Et d’où viennent donc ces considérations ? A-t-on seulement essayer d’apprendre aux enfants une forme d’écriture inclusive ? Cela aurait pourtant été possible puisqu’Hattier a proposé cette année un manuel scolaire rédigé de cette manière !
L’égalité entre les femmes et les hommes est loin d’être acquise en France. L’écriture inclusive est l’un des biais qui la favorisera.
Le Haut Conseil à l’Égalité entre les Femmes et les Hommes a proposé un guide pratique « Pour une communication publique sans stéréotype de sexe », qui propose entre autres une forme d’écriture inclusive. Le Conseil Économique Social et Environnemental est un des organismes publics qui utilise ce type de communication.
C’est donc possible d’écrire et de lire des textes en écriture inclusive, et donc de communiquer de cette façon. Rien n’est inéluctable et il faut juste s’habituer à cette forme d’écriture qui n’est ni dangereuse ni laide mais simplement plus égalitaire entre les deux sexes.