Bruno Parent vient de publier à la une d’Ulysse un message exposant les lignes directrices de la DGFIP. Aurait-il pris conscience du profond malaise présent dans les services pour réaliser cet exercice de propagande ? Le climat social notamment avec les fortes mobilisations contre la loi travail, pour la défense des droits de l’ensemble des salarié.es, a-t-il pu peser ? A la DGFIP, la mobilisation des agents de Vierzon, la poursuite des actions et grèves dans d’autres départements et services (grèves
tournantes dans les Pyrénées Orientales, l’Aude, le Gard, la Haute-Corse, suivies par le Var,…) n’y sont sûrement pas étrangères…
Selon le directeur général, notre ambition collective doit être « Évoluer pour mieux servir et pour mieux vivre » Or, c’est
exactement l’inverse que portent les lignes directrices de la DGFIP. Elles confirment sans surprise les analyses de la CGT : les
réformes actuelles ne visent qu’à intégrer d’avantage les Finances Publiques au projet libéral porté par le gouvernement.
En résumé, les lignes directrices sont un habillage pour faire croire à l’avenir de la DGFIP
– Contre-vérités et généralités totalement déconnectées de la réalité des services : «… nos missions tiennent toujours une place particulière dans la
société française »… et «… notre culture de précision, notre savoir
faire, nos compétences, sont des atouts reconnus… ». Pourtant,
l’industrialisation, la démultiplication des tâches de travail
et l’éloignement de l’usager, sont la négation même de ces
principes : course aux statistiques, perte de proximité pour les
missions de contrôle fiscal, fragilisation de la séparation entre
ordonnateur et comptable avec la généralisation des services
facturiers, suppression du numéraire, accueil uniquement sur
rendez vous, bientôt déclaration uniquement par internet et
dématérialisation du paiement de tous les impôts…
Le but affiché est bien d’en finir avec l’accueil physique,
d’accélérer les fusions/suppressions de services, de sites
(en lien ou pas avec la réforme territoriale), de déployer au
maximum des plateformes de contact, du travail en réseau
entre SIE, le travail à distance, les pôles départementaux, supradépartementaux, interrégionaux, etc. Une véritable entreprise
de démolition révélatrice du peu d’intérêt que porte notre
gouvernement à la question fondamentale de la solidarité et
de la redistributivité à travers l’impôt.
Est-cela « évoluer pour mieux servir et pour mieux vivre »?
C’est autant de reculs de l’offre de service public, de
déshumanisation de la relation avec le contribuable.
– Jamais nous n’avons eu au sein de notre administration un sentiment aussi fort de perte de sens du travail : le directeur général reconnaît que « nos moyens diminuent et nos charges augmentent ». En réponse, il préconise comme solution, non pas l’évidence de la nécessité de moyens supplémentaires, mais le recul des missions, la «masse critique» pour les équipes et une formation qui doit prendre acte de certaines évolutions.
Les allègements/délégations de tâches cités sont
emblématiques : «contrôles allégés en partenariat dans la sphère
du secteur public local, renforcement de l’action des centres de
gestion agréés, délégation au comité national des experts des
contrôles très complexes, consultation directe des fichiers de
publicité foncière par les notaires », par exemple.
Nous avons bien sûr droit à la tarte à la crème des gains de
productivité grâce à la dématérialisation et au numérique,
pourtant générateurs de nouvelles tâches (jamais prises
en compte) et d’inégalités (les niveaux de maîtrise de l’outil
internet varient au sein de la population). La CGT n’a jamais
été opposée aux nouvelles technologies. Celles-ci opèrent
un changement dans la nature de certains travaux mais ne
constituent pas un allègement notable au sein de l’ensemble
de la chaîne de travail (gestion des mails avec des questions à
répétition, appels téléphoniques pour aide technique, gestion
des anomalies, etc…).
Le projet de prélèvement à la source, est présenté comme «un
défi à relever… qui sollicitera de nombreuses équipes sur le terrain…
qui modifiera sensiblement le recouvrement de l’impôt sur
le revenu»… Mais il se fera sans moyens supplémentaires et il
constitue un vrai risque budgétaire en matière de recouvrement
mais « nos missions sont pérennes et l’existence de la DGFIP
est pleinement assurée ». La manipulation sémantique est grossière
: les chapitres expliquent comment prioriser nos tâches,
ne plus toutes les effectuer, comment en déléguer, voire comment
en privatiser.
Quelles missions seront sacrifiées pour réaliser ce défi du
prélèvement à la source et quid après pour la DGFIP ?
– Mauvaises conditions de travail et chantage à la carrière : les restructurations s’enchaînent à un rythme intenable et le
manque d’effectifs s’accentue. Les risques psycho sociaux n’ont
jamais été aussi élevés au sein de notre administration. Les plans
de qualification ministériels se succèdent à la baisse. La mise en
oeuvre du RIFSEEP, avec réintroduction de parts variables dans la
rémunération sur la base de l’évaluation individuelle, mettra les
agents (et les services) en compétition. Le directeur général veut
développer les postes à profil, limitant ainsi davantage les choix
de carrières, tout comme les nouvelles règles de stabilité imposée
en première affectation limitent les choix géographiques. Comble
de l’ironie, M. Parent ose parler «d’efforts d’adaptation réussis de la
part des cadres et des agents» !
Afin de pouvoir affecter les agents au gré des manques d’effectifs
et des priorités politiques, il rappelle sa volonté de réorganiser
les Résidences d’Affectations Nationales (déjà mis en oeuvre dans
certains départements) et les possibilités offertes aux cadres par
PPCR (quitter la DGFIP ?).
La modification des règles de gestion ne s’appliqueraient qu’à
celles et ceux «qui vont entrer dans la fonction publique ou qui
viennent de passer un cap important dans la carrière (grade)» : pour
ne pas rogner sur nos garanties, on nous demande donc de faire
une croix sur nos carrières . Diviser pour mieux régner, c’est une
stratégie bien connue pour supprimer les acquis !
– Un dialogue social de façade : le directeur général annonce que «les inflexions post fusion ont d’ores et déjà été décidées et qu’elles vont se poursuivre». Pour monsieur Parent, s’il doit y avoir dialogue social, ce ne peut être
que dans le cadre de l’accompagnement et de la mise en oeuvre
de ses réformes destructrices pour le service public. Ce n’est pas
la conception de la CGT qui prône un dialogue social prenant en
compte les revendications légitimes des agents et les besoins des
usagers.
– Nous ne portons pas le même projet : M. Parent en appelle au «souci de l’équilibre entre les nécessités du service public et les aspirations de chacun». Seraient-elles intrinsèquement porteuses de contradictions ? Pour la CGT, les intérêts du service public, répondant aux besoins de la population et à la redistribution des richesses, n’est en rien contradictoire avec les intérêts des agents de la DGFIP : il suffit de nous donner
les moyens législatifs, budgétaires et en emplois nécessaires à la
réalisation de l’ensemble de nos missions !
La CGT Finances Publiques porte le projet d’une DGFIP répondant
à un certain nombre de principes :
Le maintien de l’ensemble de nos missions au sein de la sphère
publique, la réponse à l’intérêt général (usagers, Etat, collectivités
territoriales et établissements public, entreprises), l’égalité de
traitement des citoyen.nes, la séparation stricte ordonnateur/
comptable et assiette/recouvrement, la non séparation assiette/
contrôle, un maillage territorial de proximité répondant
pleinement aux besoins de la population et aux enjeux fiscaux,
une fiscalité juste et efficace au profit du plus grand nombre.
Pour faire avancer notre projet, la CGT Finances Publiques
revendique :
– l’abandon de la démarche stratégique et de la revue des
missions ;
– le maintien du réseau de la DGFiP et l’arrêt des restructurations ;
– le maintien de toutes nos missions au sein de la DGFiP ;
– le comblement immédiat des vacances d’emplois ;
– l’arrêt des suppressions d’emplois et la création des emplois
nécessaires ;
– le maintien des statuts particuliers nationaux et le respect de
nos droits et garanties ;
– une véritable revalorisation du point d’indice ;
– l’abandon du RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte
des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement
professionnel) et du PPCR ;
– le maintien et le développement d’un service public de
qualité et de proximité
Seule la mobilisation du plus grand nombre permettra de
combattre la casse organisée de nos services, de nos missions et
de nos règles de gestion, pour promouvoir une administration
à visage humain, soucieuse de la réalisation de l’ensemble des
missions, dans de bonnes conditions de travail.