- Source Le Parisien du 17 septembre 2019 par Matthieu Pelloli (avec Aurélie Lebelle)
Budget, services publics, impôts, carburant… Gérald Darmanin, le ministre de l’Action et des Comptes publics, nous explique les principaux arbitrages économiques et politiques du budget 2020.
Il boucle certainement son dernier budget. Même s’il ne l’a pas encore annoncé officiellement, on sent bien que Gérald Darmanin trépigne d’impatience à l’idée de briguer la mairie de Tourcoing (Nord), sa ville de cœur dont il a déjà tenu les rênes avant d’être appelé au gouvernement. D’ailleurs, lorsqu’on lui pose la question, il est plutôt facile de lire entre les lignes : « Je dirais si je suis candidat à Tourcoing le jour de la Saint-Valentin, n’est-ce pas le jour des déclarations d’amour? »
D’ici là, il lui reste à défendre le Budget 2020. À un peu plus d’une semaine du rendu de copie en Conseil des ministres, le 27 septembre, le grand argentier de la France dévoile au « Parisien/Aujourd’hui-en-France » les principaux arbitrages économiques et politiques du budget.
Budget 2020
C’est le premier budget post-Gilets Jaunes. Était-ce un casse-tête ?
GERALD DARMANIN. C’est surtout un budget de pouvoir d’achat et de baisses d’impôt. Je tiens à préciser que nous avons fait la plus grosse baisse d’impôt qu’un gouvernement de la Ve République ait réalisée, soit 27 milliards d’euros (Md€) de baisse dans ce quinquennat.
Le déficit est néanmoins plus haut que prévu. Est-ce un échec ?
Nous passons d’un déficit de 3,4 % en 2017 à 2,2 % en 2020. Entre cette année et l’an prochain, le déficit baissera de plus de 20 Md€. Alors oui, c’est vrai que nous avions dit que nous le baisserions plus vite mais nous conduisons notre politique avec les réalités, pas avec de la comptabilité. Nous avons été à l’écoute du Grand débat, et nous avons préféré baisser les impôts plus vite que le déficit.
N’auriez-vous pas pu faire davantage d’économies ?
Nous en avons fait dans les domaines du logement, du travail ou encore de l’audiovisuel public, de même que dans mon ministère. Au total, les dépenses publiques en 2017 représentaient 55 % de notre richesse nationale. En 2020, ce chiffre descendra à 53,4 %. C’est 40 milliards de dépenses évitées. Et pour la première fois, nous avons stabilisé la dette.
Vous vous étiez engagé à la baisser…
Il est vrai que c’était notre engagement en début de quinquennat et ça le reste. La dette est aujourd’hui stabilisée alors qu’elle augmentait sans cesse depuis 40 ans. Dès l’an prochain, nous amorçons la baisse. Moins vite que prévu certes, car la priorité est de calmer la colère légitime d’une partie de la France qui ne s’en sort pas, mais nous continuerons et amplifierons la diminution de notre dette dans les années suivantes. Nous le devons aux générations futures.
Dès 2019, Google va devoir verser une amende d’1 milliard euros à l’Etat. Comptez-vous sur le règlement d’autres contentieux en 2020 ?
Oui. Nous avons d’autres dossiers de contentieux en cours portant sur des montants importants avec de grandes entreprises françaises et étrangères. Mais il est encore impossible de donner un chiffre.
Les impôts des Français
Il y a de fortes incertitudes sur le cours du pétrole. Si les prix à la pompe s’envolent, le gouvernement envisagera-t-il de mettre en place une TIPP flottante ?
On regarde comment les prix évoluent : on restera attentif dans les prochaines semaines et si les choses deviennent plus dures pour le portefeuille des Français.
Par principe, ce n’est donc pas exclu ?
Je ne suis pas Premier ministre. C’est à lui d’en décider. Mais renoncer à la taxe carbone, ce que nous avons fait, c’est sans doute beaucoup plus efficace qu’une TIPP flottante. Quand elle avait existé, elle n’avait pas vraiment donné satisfaction.
Vous avez récemment dit que vous souhaitiez alléger la fiscalité des successions. Quel est le calendrier ?
C’est un sujet sur lequel on pourra travailler au cours de l’année prochaine. Le capital a du mal à circuler, notamment pour les petits montants. Il faut que les Français puissent aider leurs enfants plus tôt et on pourrait imaginer une baisse de la fiscalité pour les y inciter. Nous ne sommes pas obligés de tout déplafonner, ce qui est important c’est d’aider les classes moyennes.
Alléger la fiscalité de l’héritage ne risque-t-il pas de redonner à Emmanuel Macron son étiquette de « président des riches » ?
Je pense au contraire qu’un petit commerçant, un cadre ou un ouvrier spécialisé qui ont accumulé un peu d’argent de côté par une vie de travail, quelques dizaines de milliers d’euros, ne font pas partie des riches. Ma proposition concerne les classes moyennes qui ont envie de transmettre un petit apport à leurs enfants.
Y a-t-il également un projet de révision des bases locatives dans les années qui viennent ?
Il n’y aura pas de revalorisation des valeurs locatives, ni d’augmentation de la taxe foncière dans le quinquennat. Ce qui me permet de dire que la suppression de la taxe d’habitation est sans contrepartie. Je voudrais tordre le cou à l’idée qu’on récupérerait d’un côté ce que l’Etat a supprimé de l’autre! Après, s’il devait y avoir des augmentations, c’est évidemment les élus locaux qui le décideraient et c’est leur droit.
Suppressions de postes de fonctionnaires
Des suppressions de postes sont prévues aux ministères de la Santé et de la Transition écologique. Pourquoi ?
Il n’y a aucun poste d’infirmière ou de médecin supprimé dans le budget que nous présentons. Ce sont des postes dans l’administration centrale de ces ministères qui sont concernés. Pour le reste, non seulement nous ne touchons pas aux effectifs au contact du public, mais le budget de la Sécurité sociale est en forte augmentation depuis 2017.
Et quid du ministère de l’Écologie ?
Pour l’écologie, ça s’explique très bien. Il y a eu des fusions d’agences, par exemple celles qui géraient la biodiversité. En clair, l’Etat a fait des économies de fonctionnement, notamment en simplifiant les procédures et en modernisant les opérateurs.
Vous aviez évoqué le déménagement d’un ministère en province. Où en est-on ?
2500 à 3000 agents de mon ministère qui travaillent aujourd’hui dans Paris ou la petite couronne vont donner l’exemple. 700 agents du ministère de la Défense sont également concernés.
Où iront-ils ?
Pour mon ministère, nous allons publier le mois prochain un cahier des charges en disant : Si vous souhaitez accueillir des agents dans votre ville, voici nos critères, que proposez-vous ? Quels bâtiments administratifs pourrions-nous utiliser ? Ensuite, nous identifierons en novembre les services concernés et en décembre nous communiquerons sur les villes choisies. Enfin, le transfert se fera progressivement.
Les agents auront-ils leur mot à dire ?
Il n’y aura aucune mobilité forcée ! Nous jouerons avec la pyramide des âges et proposerons des formations à ceux qui souhaitent rester. Les agents en nouvelle affectation, eux, rejoindront directement le nouveau lieu d’implantation. Nous proposerons enfin une rémunération et une prime particulière pour ceux qui acceptent de bouger.
Quel est l’intérêt d’un tel mouvement ?
Vous savez, il y a un ministre du Budget qui s’appelait Nicolas Sarkozy qui avait déménagé l’école des Douanes de Neuilly à Tourcoing. Ça coûte beaucoup moins cher de loger des étudiants à Tourcoing, ça renforce l’attractivité d’une ville qui a besoin d’emplois publics… Nous voulons faire la même chose pour d’autres villes en région.
Syndicats
Les syndicats de Bercy appellent à la grève notamment contre le projet de réforme des trésoreries. Que leur répondez-vous ?
Je les entends, mais il n’y aura aucune fermeture de trésorerie en 2020 sans concertation préalable et sans accord avec les élus. Je constate aussi que les deux tiers des agents n’ont pas fait grève. Dans la grève, il y a aussi le fait de ne pas vouloir aller en région. Je comprends qu’il puisse y avoir des inquiétudes, mais rien ne sera imposé aux agents et le réinvestissement des territoires est une attente forte des Français.
Le système informatique du site des impôts a été mis à mal cet été. Comment y remédier ?
Nous avons décidé d’augmenter de 65 millions d’euros les crédits informatiques dans le budget de la DGFiP en 2020 pour éviter des bugs informatiques. L’idée est principalement de mettre les systèmes à jour. Notre objectif : faire disparaître les petits bugs que les Français ont pu connaître.