Les salarié-es de l’entreprise TFN qui travaillent sur les centres des Finances Publiques de 4 arrondissements (2ème, site de la direction parisienne, 11ème, et 20ème rejoints ensuite par le 17ème) sont en grève depuis le 11 mars. Ils sont donc dans leur sixième semaine de grève.
Ce mouvement a été précédé pendant plusieurs mois de tentatives de faire entendre leurs revendications par le dialogue (une lettre collective en novembre et une autre en février adressées à la direction de TFN demandant une réponse aux revendications).
Cette démarche n’ayant abouti à aucun résultat positif, la grève a commencé le 11 mars 2015 et concerne 23 salarié-es, majoritairement des femmes, d’origine étrangère (maghrébines, africaines ou sri-lankaises).
Les conditions de travail sur les sites des Finances Publiques se sont dégradées d’année en année et surtout depuis l’arrivée de TFN en 2009 (rachat de Véolia qui détenait le marché). Actuellement chaque salarié-e doit nettoyer en moyenne 1 400 m² chaque jour. À titre d’exemple, une salariée doit nettoyer 33 toilettes en 2H30, une autre 40 toilettes en 3H. Les produits de nettoyage sont délivrés avec parcimonie et les machines ont quasiment disparu (monobrosses…). C’est la course permanente pour les salarié-es avec l’insatisfaction de ne pas pouvoir faire du bon travail. Les horaires de travail varient de 2H par jour (10H par semaine) à 3H par jour (15H par semaine) pour une paye de 450 à 550 € par mois (un peu plus pour les chefs d’équipe).
Les salarié-es réclament un treizième mois, des contrats de travail sur les sites des Finances Publiques avec 16H minimum par semaine, une progression dans la grille des salaires, une participation de l’employeur au financement d’une assurance complémentaire, la suppression de la clause de mobilité, l’accès à la formation professionnelle, des tenues de travail fournies régulièrement, le paiement à 50% du PASS NAVIGO, une prime de blanchisserie, le retrait d’un avertissement notifié à une salariée, le passage en CDI de 2 salariées en CDD, etc…
La négociation s’est ouverte le 10 avril. L’entreprise a accepté le retrait de l’avertissement, la suppression de la clause de mobilité, la fourniture de 2 blouses par an, la régularisation des insuffisances de remboursement de PASS NAVIGO. Pour les 16H par semaine, la direction se retranche derrière l’examen au cas par cas ou à des heures éventuelles à effectuer sur d’autres sites…
En cours de négociation, les grévistes ont accepté de faire des concessions (treizième mois), pensant que la direction ferait de son côté un pas vers eux, ce qui n’a pas été le cas.
Outre ce qui a déjà été accepté par la direction, les grévistes ont mis en avant les revendications en dessous desquelles ils ne voulaient pas descendre : 16H minimum de travail pour les grévistes sur les sites des Finances Publiques, 15€ par mois de prime de blanchisserie et paiement des jours de grève, sous forme de prime de remise en état des locaux.
Actuellement la situation est bloquée autour de la revendication des 16H minimum par semaine.
Les grévistes ont le sentiment de ne pas réclamer quelque chose d’exorbitant. En effet, déjà les nouveaux contrats en CDI depuis le 1/07/2014 doivent être de 16H minimum, conformément à l’avenant n° 3 du 5 mars 2014 à la Convention Collective de la Propreté, lui-même issu de la loi n° 2013-504 du14/06/2013 sur la « sécurisation de l’emploi ». D’autre part, pour 15 d’entre eux, cela signifierait une augmentation du temps de travail de 12 mn par jour.
Cette revendication a été jugée prioritaire car elle concentre à la fois le besoin d’augmenter la rémunération et d’améliorer les conditions de travail. Faire le travail demandé dans le temps de travail actuellement imparti est jugé quasi impossible sinon au prix de dépassements d’horaires non rémunérés ou d’une pénibilité insupportable.
Les salarié-es en grève ont reçu un large soutien de la part des agents des Finances Publiques (plus de 700 signatures récoltées sur la pétition intersyndicale CGT-Solidaires-FO Finances Publiques) qui ont aussi versé aux collectes de solidarité.
Des démarches intersyndicales ont aussi été effectuées à plusieurs reprises auprès du donneur d’ordre : la DRFIP et le Service des Achats de l’Etat (SAE) pour peser en vue d’une issue positive à ce conflit.
En effet, le donneur d’ordre, conjointement avec l’entreprise prestataire, a aussi des responsabilités en cas de grève, puisqu’il est précisé à l’article 22 du CCAP du contrat signé entre l’administration et TFN :(Article 22(…) Le responsable du site, l’ordonnateur et le C.M.R.A. sont tenus informés immédiatement de tout conflit dans le périmètre du marché et des solutions mises en oeuvre pour son règlement rapide.
Or la direction parisienne des Finances Publiques a systématiquement refusé toute discussion avec les syndicats sur ce point et toute rencontre avec les grévistes, malgré des demandes réitérées.
Le SAE a accepté de recevoir les syndicats CGT et Solidaires ainsi qu’une délégation de grévistes, a manifesté une écoute attentive mais a finalement refusé d’intervenir sur ce dossier, estimant que cela n’était pas de sa compétence, renvoyant à la DRFIP qui, de son côté, a gardé porte close malgré de nombreux rassemblements des grévistes et de leurs soutiens devant son siège.
C’est le motif pour lequel nous ne pouvons qu’interpeller le Ministère pour qu’il intervienne pour favoriser une issue positive à ce conflit qui pénalise en premier lieu les grévistes qui perdent de l’argent mais aussi les agents des Finances Publiques de ces 4 sites qui travaillent dans un contexte dégradé.
TFN remplace les grévistes, très probablement en contravention avec l’article L 151-10 du Code du Travail qui interdit le recours aux salariés en intérim ou en CDD pour remplacer des grévistes. Mais ces derniers ne peuvent pas être remplacés dans toutes leurs tâches ce qui entraîne une saleté inhabituelle dans les sites concernés. Des collègues s’en sont plaints par voie de pétition sur le 11ème arrondissement. À ce titre TFN a dû commencer à payer des pénalités.
La situation actuelle doit trouver une issue positive, dans l’intérêt des salariés de TFN, des collègues et du public et nous sollicitons votre intervention pour y contribuer.
Nous attirons aussi votre attention sur le fait que TFN ne respecte pas le Code du Travail et la Convention Collective dans de nombreuses occasions.
L’entreprise TFN-ATALIAN est une multinationale qui emploie environ 65 000 salarié-es.
Néanmoins cette entreprise se distingue par de nombreuses entorses à la législation du travail, que nous avions déjà constatées à l’occasion d’un précédent conflit en octobre 2012, sur le site du 5 rue de Londres Paris 9ème. A cette époque, un courrier avait déjà été envoyé au SAE et une audience avait été demandée au directeur RH de la DRFIP. Ces pratiques perdurent et contribuent à la colère des salarié-es qui ont le sentiment de se faire voler tous les jours par leur employeur.
Les irrégularités les plus fréquemment constatées :
– « erreurs » sur la date d’ancienneté des salarié-es. Cette ancienneté se calcule au niveau de la profession en partant de la date d’embauche chez le premier employeur, à la condition qu’il n’y ait pas d’interruption supérieure à 12 mois (article 4.7.6 de la Convention Collective de la propreté). L’expérience antérieure, avant de rentrer à TFN, passe souvent aux oubliettes, ce qui a des conséquences sur le calcul de la prime d’expérience qui est proportionnelle à l’ancienneté
– versement d’une « prime de remplacement » forfaitaire pour certains salariés qui remplacent un-e salarié-e absent-e en lieu et place d’heures complémentaires ou de complément d’heures avec les majorations adéquates, ce qui est illégal. Cette pratique n’est pas systématique mais fréquente.
– non information des salariés sur les formations auxquelles ils et elles pourraient s’inscrire
– « omission » du versement de la prime d’expérience dans certains cas
– « omission » du remboursement de la quote-part du PASS NAVIGO ou versement inférieur au montant dû.
– convocation aux visites médicales très rares
– nouveau contrat de travail sur une base inférieure à 16H, contrairement aux dispositions de l’avenant n° 3 du 5 mars 2014 à la Convention Collective de la Propreté, lui-même issu de la loi n° 2013-504 du14/06/2013 sur la « sécurisation de l’emploi ». Après avoir essayé d’obliger la salariée à demander par écrit à travailler moins de 16H, et suite à une intervention de l’inspection du travail, et à une intervention syndicale, TFN a fini par proposer le contrat de travail de 16H.
– pratiques arbitraires : la société a infligé un avertissement à une salariée (non gréviste) pour des faits qui n’avaient pas été évoqués lors de l’entretien préalable à sanction, notamment sur les conditions de son remplacement par une personne de sa famille sans en avoir fait la demande préalable, alors qu’elle n’a eu aucune absence depuis plusieurs mois et n’a donc pas eu à être remplacée. Les grévistes ont demandé et obtenu le retrait de cet avertissement
Le donneur d’ordre à tous les échelons (DRFIP, SAE, Ministère) a une responsabilité particulière.
Dans le contrat signé entre l’administration parisienne des Finances Publiques et TFN, en février 2013, faisant suite à l’accord cadre régional de décembre 2012, l’article 8-2 « Obligations de l’employeur » du cahier des clauses administratives particulières stipule :
Résiliation de l’accord-cadre (…) :
8.2 pour contravention à la réglementation du travail. La résiliation du marché intervient aux torts du titulaire et sans indemnité s’il contrevient à la réglementation du travail, conformément à l’article 18-04 du présent CCAP. »Ces dispositions sont reprises aux articles 18.2 et 18.3 du CCAP.
Or, le respect de ces clauses ne fait l’objet d’aucun suivi de la part de l’administration.L’administration se doit d’être exemplaire en ne passant pas de contrat avec des entreprises ne respectant pas le code du travail. Elle se doit de vérifier que l’article 8-2 des clauses particulières du contrat est bien respecté.
En négociant des contrats au rabais pour les prestations de nettoyage, notre administration contribue à la détérioration des conditions de travail des salariés du nettoyage mais aussi des agents de la DGFIP.
Aussi, nous demandons :
– un budget nettoyage à la hauteur des besoins
– le non renouvellement de TFN au prochain appel d’offres fin 2015
– l’insertion dans les contrats avec les sociétés de nettoyage de clauses sociales plus contraignantes (respect de la réglementation du travail, charges de travail, conditions de travail…) et un contrôle réel de leur application
– une enquête sur le respect de la législation du travail par le prestataire, quel qu’il soit, en y associant les représentants des personnels de la DRFIP, avec injonction de respecter le Code du Travail, sous peine de résiliation du contrat.
Le suivi de l’application de l’article 8-2 du CCAP pourrait s’exercer dans le cadre des réunions de pilotage et de suivi de l’exécution du contrat sur les sites parisiens de la DRFIP qui se tiennent tous les deux mois et qui réunissent des représentants de l’entreprise de nettoyage et de la DRFIP. Nous demandons que les organisations syndicales puissent y transmettre leurs constatations et observations sur le volet social du CCAP.
En conclusion, tant en ce qui concerne l’issue du conflit en cours que des mesures à prendre pour éviter le renouvellement à l’avenir de tels conflits, nous demandons au Ministre d’intervenir de toute urgence.
Apportez votre soutien financier aux grévistes, libellé à l’ordre de “cgt solidarité grévistes” , à envoyer à : CGT Finances publiques 75 au 6, rue St Hyacinthe 75042 Paris Cedex 01